Les relations homosexuelles sont-elles un péché ?

Il y a quelques années, j’avais fait une série sur le mariage et la sexualité d’un point de vue chrétien. Je comptais reprendre plus en détail ce thème, car c’est un sujet important. Toutefois, en attendant, j’aimerais brièvement revenir sur un message que je viens de lire sur les réseaux sociaux. Je vais donc recopier ce message et partager quelques réflexions.

Message initial

« Il n’y a aucune raison théologique valable de s’opposer à la célébration à l’occasion du mariage de couples homosexuels. 

D’un point de vue exégétique, la forme d’homosexualité à laquelle Paul était confronté, c’était le maître avec son jeune esclave. Il s’agit plutôt de pédérastie et utiliser le texte de l’épître aux Romains en rapport avec deux adultes consentants est un contre sens. Par contre, le texte central est celui de Galates 3,28, qui relativise toutes les identités en Christ, y compris la différence sexuelle. Ce texte est plus central que tous les autres, parce qu’il argumente d’un point de vue christologique.

D’un point de vue systématique, il n’est pas possible de considérer l’homosexualité comme un péché. Personne ne choisit d’être homosexuel. De même, l’’académie de médecine, plus compétente en la matière que les théologiens, a statué sur la question en 1961: l’homosexualité n’est pas une maladie. Dès lors l’homosexualité est simplement une manière d’être différente. L’homophobie s’explique soit par un dégoût, soit par une secrète attirance vis-à-vis de relations sexuelles homosexuelles. Il est essentiel d’éviter qu’un discours théologique consiste simplement à légitimer secondairement de telles émotions. 

D’un point de vue éthique, un enjeu essentiel pour les Églises, c’est la fidélité, dans l’idée que la fidélité permet d’approfondir une relation d’amour. Pour l’instant, le mariage est ce qui a été trouvé de mieux pour favoriser la fidélité. Ainsi les Églises doivent bénir les unions d’homosexuels. L’exclusion des homosexuels du mariage représente en outre une forme de discrimination, favorisant paradoxalement une forme de communautarisme homosexuel. Les formes de rejet mutuel ne sont pas bonnes pour la société. 

D’un point de vue de théologie pratique, il y a quatre bonnes raisons de célébrer un mariage lorsqu’il est demandé: une relation à Dieu, une volonté (!) de durée, un amour global dont la sexualité est une partie parmi d’autres, un désir de fécondité au profit de la société dans son ensemble, sachant que cette fécondité peut s’exprimer autrement que de manière biologique. Ces critères valent pour toutes les unions, hétérosexuelles et homosexuelles, sous peine de discrimination.
Je découvre régulièrement que des « amis » sur facebook condamnent la bénédiction de couples homosexuels. Je souhaite introduire (sans grande originalité d’ailleurs) les raisons pour lesquelles je suis favorable à cette pratique. »

L’auteur 

Avant de répondre, je tiens à préciser que je ne connais pas directement l’auteur de ce texte. Toutefois, d’après son profil Facebook, il a été pasteur au sein de l’Union des Églises protestantes d’Alsace et de Lorraine et est maintenant professeur à l’université Ruprecht-Karls d’Heidelberg.

1) Paul et l’homosexualité

« D’un point de vue exégétique, la forme d’homosexualité à laquelle Paul était confronté, c’était le maître avec son jeune esclave. Il s’agit plutôt de pédérastie et utiliser le texte de l’épître aux Romains en rapport avec deux adultes consentants est un contre sens. »

C’est un argument que l’on entend couramment. Certes, il est important de replacer chaque texte dans son contexte historique. Toutefois il faut aussi se méfier de ceux qui invoquent constamment le « contexte historique » pour justifier une interprétation qui paraît contraire au sens immédiat du texte et surtout il ne faut pas oublier que c’est à eux d’apporter la preuve, à partir de sources historiques, de la pertinence de leur lecture. C’est une remarque générale que je fais, mais je pense qu’elle s’applique particulièrement bien dans ce cas.

En effet, si on étudie le texte de Paul, rien ne permet d’affirmer qu’il vise uniquement les relations non-consenties, qui seraient finalement ce que l’on appelle aujourd’hui des viols. Pour appuyer cela, et c’est probablement ce que sous-entend l’auteur du message, on affirme que, dans le monde romain de cette époque, les relations homosexuelles n’étaient que des relations de domination. Or, les sources dont nous disposons réfutent abondamment cette idée.

Certes, il y a bien des « viols homosexuels » de maîtres sur leurs esclaves, de même qu’il y a aussi des « viols hétérosexuels », mais les relations homosexuelles ne se limitent pas à ces viols. Il y a aussi de nombreuses relations entre aristocrates et personnes de la haute société qui n’entrent pas dans ce cadre. Cela existait aussi probablement au sein du peuple, mais évidemment les sources, qui ne s’intéressent qu’aux aristocrates, ne nous en parlent pas. Un exemple parmi tant d’autres, Jules César était l’amant d’un roi d’Asie Mineure.

Ainsi, nous pouvons conclure que :

  1. Les relations homosexuelles existaient sous différentes formes et n’étaient pas seulement des « viols homosexuels » de maîtres sur leurs esclaves.
  2.  Et rien dans le texte de Paul ne permet d’affirmer qu’il visait spécifiquement ces viols.
    Par conséquent, il faut conclure de ces deux points que ce sont bien les relations homosexuelles en tant que telles qui sont réprouvées par l’apôtre. `

Par ailleurs, l’auteur a raison d’évoquer la dimension christologique de la question, qui est absolument centrale. Toutefois, il oublie à mon avis le texte le plus important sur cette question : Éphésiens 5 : 22-33. Cependant, je développerai cela dans un prochain article.

2) Péché et choix

« D’un point de vue systématique, il n’est pas possible de considérer l’homosexualité comme un péché. Personne ne choisit d’être homosexuel. » 

Si je comprends bien ce passage, l’auteur fait le lien entre « péché » et « choix ». Ce qui ne relève pas du choix d’un individu, ne peut pas être considéré comme un péché. Trois points sont à noter :

  1. Tout d’abord bibliquement, le péché ne résulte pas forcément d’un choix conscient de l’individu. C’est notre mentalité individualiste qui nous conduit souvent à cette confusion. Cependant, si nous examinions les textes bibliques, nous voyons que le péché est bien plus vaste et complexe. Nous sommes à la fois victime et coupable du péché. C’est ce que je développe dans le premier chapitre de mon livre Sauvés par sa vie.
  2. Deuxièmement, ce n’est pas le fait d’avoir une attirance pour des personnes de même sexe qui est un péché, mais le fait d’avoir des relations sexuelles. Or, ici, il y a bien une question de choix. Un hétérosexuel est aussi confronté à des tentations similaires et sera tout aussi pécheur s’il y cède.
  3. Troisièmement, je ferais remarquer que cet argument est extrêmement dangereux, puisque d’autres attirances sexuelles, condamnées par la loi, ne sont pas non plus choisies. En reprenant cet argument, il faudrait aussi les accepter. 

3) Homosexualité et maladie

« De même, l’académie de médecine, plus compétente en la matière que les théologiens, a statué sur la question en 1961 : l’homosexualité n’est pas une maladie. »

Oui, mais ce jugement de l’académie de médecine n’entre pas en contradiction avec le diagnostic biblique. L’homosexualité n’est pas une maladie, c’est un péché. Ce sont deux choses différentes. Le cancer est une maladie, ce n’est pas un péché.

4) Les 4 bonnes raisons de célébrer un « mariage homosexuel »

« D’un point de vue de théologie pratique, il y a quatre bonnes raisons de célébrer un mariage lorsqu’il est demandé: une relation à Dieu, une volonté (!) de durée, un amour global dont la sexualité est une partie parmi d’autres, un désir de fécondité au profit de la société dans son ensemble, sachant que cette fécondité peut s’exprimer autrement que de manière biologique. Ces critères valent pour toutes les unions, hétérosexuelles et homosexuelles, sous peine de discrimination. »

Je pense que l’expression même de « mariage homosexuel » est une impossibilité par rapport à la définition biblique du mariage et que par conséquent l’Église ne peut pas bénir de telles unions.

Pour autant, les points soulevés ne sont pas inintéressants et amènent à se questionner sur la place des chrétiens ayant une attirance pour les personnes de même sexe au sein de l’Église. À mon avis, la relation à Dieu, la fidélité et la fécondité non-biologique peuvent aussi être vécues au sein de l’Église locale sans passer par des relations charnelles qui iraient en opposition avec l’enseignement biblique.

Conclusion

J’avais déjà évoqué la question de l’homosexualité en présentant le livre Deux points de vue sur la Bible, l’homosexualité et l’Église.

Il me semble que c’est une question très actuelle, qui a des enjeux particuliers pour l’Église. En effet, l’homosexualité, et il faut le reconnaître, fait partie des rares péchés qui à vue humaine ne font pas directement du mal à notre prochain. C’est d’ailleurs là l’argument principal pour ne pas considérer l’homosexualité comme un péché : si deux personnes adultes s’aiment et ont des relations consentantes, pourquoi s’y opposer ?

Au-delà, de l’affirmation biblique qui me paraît assez claire, je pense qu’il faut aussi prendre en considération le fait que les êtres humains ne sont pas des individus isolés, mais les membres d’une société commune et que lorsque Dieu fixe des règles, Il tient aussi compte de cet élément que nous avons aujourd’hui, trop souvent, tendance à négliger.

Dans tous les cas, je ne prétends pas avoir résolu tous les problèmes avec ce simple article, mais il me paraissait important d’évoquer ces quelques points.