Remarques sur les propos du Raptor Dissident : Régime républicain et laïcité

Tout récemment, j’ai eu l’occasion de visionner une vidéo d’un youtubeur qui évoque un sujet que je considère comme important, la laïcité et plus généralement le rapport entre État et religion.

Ce sujet m’intéresse à la fois d’un point de vue universitaire, puisque dans le cadre de mon doctorat je suis lié à un laboratoire du CNRS, le GSRL, « Groupe, Sociétés, Religions, Laïcités », qui, comme son nom l’indique, est spécialisé dans l’étude des faits religieux. Un des axes de recherche étant justement les rapports entre sociétés et religions.

Mais ce sujet me concerne aussi en tant que chrétien, car je pense que c’est une question importante pour notre foi et qui, au cours de l’histoire, a reçu des réponses très différentes. Je comptais d’ailleurs faire une série d’articles sur ce thème avant mon départ pour Jérusalem, toutefois, faute de temps, ce projet n’a pas pu être concrétisé. Je le ferai donc à mon retour.

Dans cet article, j’aimerais simplement revenir sur des propos que j’ai pu entendre concernant le lien entre régime républicain et laïcité.

Le Raptor Dissident

Ma remarque concerne une vidéo du Raptor Dissident intitulée : Eric Zemmour Vs Hapsatou Sy – Instinct Primitif 3

Le Raptor Dissident est un youtubeur francophone assez connu, mais aussi très controversé à cause de son style incisif. On peut apprécier ou ne pas apprécier, mais je pense que ses vidéos ont le mérite, sous couvert d’humour, de soulever de vrais problèmes. Le but n’est donc pas de l’attaquer en tant que personne, mais plutôt de nuancer une formulation qui me paraît incorrecte.

Vidéo et contexte

Dans cette vidéo, il revient sur l’affaire « Éric Zemmour et Hapsatou Sy ». J’invite le lecteur à visionner la vidéo, qui est assez courte, pour avoir un aperçu du style du Raptor, mais je vais résumer brièvement le contexte et les propos.

Cette vidéo concerne un échange qui a eu lieu au cours d’une émission de télévision entre Éric Zemmour, un polémiste français, et Hapsatou Sy, que je ne connais pas. Le premier reprochait à la seconde de ne pas avoir un prénom assez français et évoquait une loi napoléonienne qui obligeait les parents à choisir un prénom issu du calendrier grégorien.
Le Raptor, après avoir montré un bref extrait de l’émission, va ensuite faire une série de commentaires, qui ne sont pas inintéressants et que je trouve plutôt équilibrés. Toutefois, tout au début, il commence son propos par une phrase qui pose doublement problème :

« Depuis 1803 et Bonaparte, il existe une loi républicaine, donc laïque par définition, et non pas chrétienne ; je rappelle que juste avant il y a eu vite fait une petite révolution pour séparer le clergé de l’État. Et donc cette loi oblige à donner à son enfant un prénom choisi dans le calendrier grégorien… »

Le Concordat oublié

Tout d’abord il faut noter un oubli factuel, qui n’est pas sans importance. Le Raptor dit : « je rappelle que juste avant il y a eu vite fait une petite révolution pour séparer le clergé de l’État. »

Cela est vrai. Sauf que la loi dont il est question a été votée en 1803, comme le Raptor le précise lui-même. Or, entre « cette petite révolution » et 1803, il y a eu un autre évènement important : le Concordat.

En effet, en 1801, l’État français a passé un accord officiel avec la papauté, que l’on appelle « Concordat ». Ce concordat prévoit notamment que les évêques et les archevêques soient nommés par le gouvernement. En contrepartie, l’État rémunère les ministres du culte. On est donc loin d’une séparation entre « le clergé et l’État ». Bien au contraire, on rejoint plutôt le gallicanisme politique de l’Ancien Régime. Nous ne sommes donc pas dans un régime de laïcité.

Toutefois, s’il n’y avait eu que cette erreur factuelle, je n’aurais probablement pas écrit cet article. En fait, j’aimerais surtout revenir sur une autre erreur, qui me parait beaucoup plus importante.

 République et laïcité

 « il existe une loi républicaine, donc laïque par définition ». En disant cela, le Raptor lie directement la république et la laïcité, comme s’il y avait un lien de causalité direct entre les deux, et c’est justement ce qui pose problème.

En effet, la république est un régime politique, tandis que la laïcité désigne un principe d’organisation qui régit les relations entre l’État et les religions.

Il y a sans doute une affinité entre le régime républicain et la laïcité, encore que celle-ci est souvent mal comprise, mais l’un ne va pas nécessairement avec l’autre. On peut très bien trouver des monarchies laïques, et surtout, des Républiques confessionnelles. A titre d’exemple, on peut citer la République italienne, dont le président était justement Napoléon Bonaparte, qui, en 1803, signe un Concordat établissant le catholicisme romain comme religion d’État.

Régime politique et religion d’État

Par ailleurs, s’il est vrai que la chute de la monarchie conduit souvent à une laïcisation de l’État, l’inverse peut aussi être vrai. Au 20esiècle, nous avons un très bon exemple de ce processus avec l’Iran. Jusqu’en 1979 le régime était une monarchie, qui était certes autoritaire, mais assez peu religieuse.

Or, en 1979 a eu lieu une révolution islamique qui a renversé ce régime et instauré à la place une république … islamique. Comme son nom l’indique, cette république n’est absolument pas laïque et depuis l’instauration de cette république la liberté religieuse a considérablement diminué depuis dans ce pays. On peut d’ailleurs noter que le prétend actuel au trône d’Iran, fils du Shah renversé, propose comme alternative à la République islamique, une monarchie constitutionnelle… laïque.

Ainsi, si on peut évoquer une affinité entre république et laïcité, on ne peut pas établir une causalité directe.

Conclusion

En tant que chrétien, je suis à la fois républicain et laïc, car je pense que ces deux éléments permettent de constituer le cadre politique le plus favorable à l’Évangile. J’aurai cependant l’occasion d’expliquer cela dans de prochains articles, lorsque j’aborderai la question de la laïcité et du rapport entre religion et État.

Version vidéo

Articles liés

Si vous avez un commentaire ou une question, vous pouvez me contacter.

Si vous appréciez le travail, vous pouvez contribuer au financement participatif de Didascale sous forme d’un micro-don mensuel.